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Publiée le 01 Août 2010

 

Malgré sa succulence, le chapon a fini par lasser les plus gourmands,
car, pour le déguster, il faut d'abord " chaponner " et ce n'est pas rien si l'on
en croit un auteur du XVIIe que cite R.-N. Raimbault dans " La France à table ". "
On prend un jeune coq de trois mois, à qui on fait une incision proche des parties
génitales. On enfonce le doigt dans cette ouverture, et on emporte adroitement les
testicules, ensuite on coud la playe, on la frotte avec du beurre frais, et on
laisse aller le chaponneau avec les autres volailles. Il paraît très triste
pendant quelques jours. La gangrène survient quelquefois quand on a chaponné par
un temps trop chaud ou si on a mal chaponné. "

Le chapon n'est pas aussi triste qu'on veut bien le dire, au contraire, il devient
doux et sociable, si affectueux même qu'il se lie volontiers avec les poussins. Le
" Larousse ménager " conseille d'utiliser au mieux ces dispositions et de le
faire... couver.

" Afin de s'assurer de son bon vouloir, on l'enivre en le gavant de grains ayant
macéré dans de l'eau-de-vie et, en l'élevant en l'air, on lui imprime un mouvement
d'oscillation lent jusqu'à ce qu'il soit endormi. On le dépose alors sur un nid
garni de quelques oufs. A son réveil, leur contact lui arrache de petits cris de
plaisir, et c'est avec la meilleure volonté qu'il se charge de leur éducation,
comme le ferait une vraie mère. " Ainsi, la température s'y prêtant, et si vous ne
craignez pas de ridiculiser votre coq, vous pouvez toujours vous y risquer.

Il faudra ensuite le préparer à l'ancienne, puisque l'on ne chaponne plus guère.
On peut faire un blanc-manger de chapon ou un chapon farci à la crème, comme au
Moyen Age. En voici un que nous conseillent Georges et Germaine Blond. On farcit
d'une crème d'amandes étoffée de lard blanchi, dé jambon et d'épices, de mie de
pain à l'ouf, le tout bien pilé. Une fois rôti, le chapon est nappé de la même
crème d'amandes.

Vide, on le barde, on lui fourre dans le corps un oignon piqué de clous de
girofle, on l'assaisonne de sel et poivre. Quand il est cuit, on ôte la barde puis
on le mange avec du cresson amorti dans du vinaigre et du sel, ou avec des huîtres
revenues dans la graisse qu'il aura rendue. Si le chapon n'est pas gras, on le
pique de menu lard.

Parmi les chapons célèbres nous citerons: celui qu'on servait au XVIIe siècle au
cabaret de la Pomme de Pin, dont parle Colletet en 1670 dans " Les Tracas de Paris ".

Le chapon aux pissenlits, triomphe de Lesage, restaurateur à la mode sous la
Révolution et qui s'adonnait au marché noir.

Le chapon gros sel, gloire de la fameuse Marmite Perpétuelle " On peut manger ces
chapons dans son restaurant, ou les faire venir chez soi, où ils arrivent en très
bon état, il suffit d'en faire la demande par la petite porte, et ils ne coûtent
que six francs ", dit Grimod de la Reynière. Ce merveilleux chapon convenait " au
convalescent timide comme au gourmand le plus intrépide ", et il ne s'agissait pas
" de faire cuire cette volaille dans un pot-au-feu et de la servir avec un
bouillon par-dessus comme cela se pratique dans les petits ménages à l'égard des
vieilles poules ". L'Histoire nous dit donc que c'était tout autre chose!

Dernier mot sur les chapons: le chapon, au lieu d'un coq amoindri et maternel,
peut être le croûton de pain, frotté d'ail ou non, que nous rencontrons dans la
salade en Gascogne et dans la bouillie en Normandie).

 

 

Adaptation: J.Paul Mutin


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