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Publiée le 01 Août 2010

 

Il ne devait pas être vraiment sauvage, ce berger sarde que j'apercevais au
loin, assis sur une vielle murette écroulée. Et puis de toute manière,
autant avouer que j'étais légèrement égaré et qu'il m'avait depuis bien
longtemps repéré. Alors autant me diriger vers lui pour demander mon chemin.
Laissant mon véhicule à Fonni, j'étais parti sur les chemins, et à
force de m'émerveiller de cette nature belle et sauvage, rude et gardant
secrètement aux coins de ses escarpements et ravines quelques coins de
paradis, j'avais perdu tous repères, malgré la carte et la boussole.
L'homme se leva lorsque je fus près de lui, et malgré la différence de
langage, je pus lui faire comprendre (mais il devait déjà l'avoir deviné)
que j'étais égaré. Et comme je ne comprenais pas ses explications, il me fit
signe de le suivre. Après avoir sifflé en direction de son chien pour lui
signifier qu'il lui laissait la garde du troupeau, il ramassa son fusil et
son baluchon et nous partîmes. J'avais du mal à suivre son pas alerte et
entraîné qui lui permettait de grimper les raidillons et de sauter les
ruisseaux, et son long manteau l'aidait à franchir sans encombre les
buissons épineux. Nous prenions visiblement les raccourcis.
S'arrêtant au sommet d'une butte, et après que je l'eus rejoint en
soufflant, il me montra d'un geste un village en contre-bas. Puis se
saisissant de ma carte, il m'en indiqua la position : Seui.
Il se mit à parler, puis s'arrêta comme dépité de ne pouvoir être compris :
pour une fois qu'il avait l'occasion de discuter, il avait fallu qu'il tombe
sur un étranger à sa langue. D'un geste universellement compris il me fit
comprendre que je pourrai manger, en l'accompagnant d'un mot "mangiare".
Lorsque nous entrâmes dans une maison de pierres sèches, la femme qu'il
avertît de quelques mots fut surprise dans sa cuisine. Après une longue
discussion, il me fit signe de m'asseoir et sorti assiettes et couverts.
Je dois vous dire que je fis là un sublime repas, dont je ne pus faire
compliments que par gestes éloquents : une soupe de légumes verts, dont j'ai
cru comprendre qu'elle s'appelait "serbuzzu", des espèces de ravioles au
fort goût d'ail, (culorgionus, ai-je cru comprendre) mais moelleux et
savoureux, servis avec une sauce tomate pleine de saveurs d'herbes
odorantes, et des grives rôties dont j'ai sucé les moindres os avec des
yeux pleins d'émotions.
Mon hôte avait l'air aussi satisfait de manger là, plutôt que dans sa
montagne, et se régalait autant de ce qu'il avait dans son assiette que de
mes mines réjouies.
Après quelques morceaux de fromages et un dernier verre d'un alcool fort qui
nous fit, moi tousser, et eux rire aux éclats, il fallut se remettre en
route. Moi sur la piste qu'il m'indiqua en me montrant le chemin que je
devais faire sur la carte, et lui vers ses montagnes.

Cela fait déjà quelques années de cela, mais je viens enfin de mettre la
main sur la recette de ces culorgionus, ignorées même de la plupart des
livres de recettes Sardes. Et pourtant..

La voici :

Pour la pâte : 750 gr de farine, 7 jaunes d'oeufs (les jaunes seulement
sinon la pâte est trop ferme), eau, sel.
Mélanger le tout : farine/oeufs/sel et l'eau progressivement pour obtenir
une pâte souple.
La farce : environ 2,5kg de pommes de terre à purée; une tête d'ail; sel,
poivre.
125 gr de saindoux et un peu de beurre

Faire cuire les pommes de terre à la vapeur; réduire en purée, verser le
saindoux fondu et le beurre si nécessaire, puis le sel, le poivre et râper
les gousses d'ail, vérifier l'assaisonnement...

Etaler un peu de pâte en farinant le support et le rouleau jusqu'à obtenir
une plaque fine mais pas transparente.
Découper des ronds avec un emporte pièce. Mettre une noix de farce au centre
et l'étaler.
Rabattre à l'intérieur la bas du rond de pâte et fermer le chausson en
repliant alternativement un côté puis l'autre en pinçant comme pour faire
une couture. Une fois parvenu en haut du chausson faire une petite queue
entre le pouce et l'index.
Cuisson : plonger par dizaines les culorgionus dans un bouillon de poule ou
de l'eau bouillante salée.
Attendre qu'ils remontent à la surface et au bout de quelques minutes
(vérifier en tâtant la fermeture du chausson plus longue à cuire que la
panse) les sortir avec une écumoire, les égoutter dans une passoire puis les
placer dans un plat de service, les couvrir de sauce tomate, et parsemer de
parmesan.

Servir avec une sauce tomate (viande hachée, oignons, ail, sel, poivre,
basilic, laurier)

 

 

Chronique 27 (5/3/2000) Jean Tamayo


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