Publiée le 15 Janvier 2000

 

Plumer, vider et trousser les oiseaux. Les faire dorer dans une cocotte de
terre avec les tranches de lard. Puis déglacer avec le vin et l'eau, ajouter
du poivre et du gingembre, bien couvrir et terminer la cuisson à feu doux.
Compter vingt-cinq à trente minutes au total. On doit obtenir un petit jus
qui nappe légèrement.
4 cailles ou autres petits oiseaux, 4 tranches de lard salé entrelardé, de 3
mm d'épaisseur, 15 cl de vin blanc, 4 g de poivre noir moulu, 20 g de
gingembre en poudre, 15 cl d'eau


COMMENTAIRE

Les textes médiévaux font souvent référence aux " menus oiseaux " sans
préciser de quelles espèces il s'agit. Toutefois, une recette du Viandier de
la Vaticane spécifie " menuz oyseaulx comme allouettes, cailles, mauvilz et
autres ". Les recherches archéozoologiques confirment l'usage des alouettes,
des cailles et des grives, et y ajoutent des geais, des merles, des
rouges-gorges, des rossignols, des moineaux, des bruants, des mésanges, des
pinsons et autres passereaux non identifiés. Il y avait deux façons de les
accommoder: en brochettes, séparés par des tranches de lard et en " gravé ".

Le " gravé " était un " potage " préparé en gras avec de " menus oiseaux "
ou du veau et en maigre avec des loches, des perches, ou des écrevisses. On
faisait d'abord revenir les chairs dans du lard fondu (ou les poissons dans
de l'huile), puis on versait dessus un brouet parfumé aux oignons frits,
épicé et lié au pain. Les oiseaux, plus solides, y étaient bouillis alors
que les poissons ne l'étaient pas. C'est ainsi que procèdent les différentes
versions du Viandier de Taillevent et Le Mesnagier de Paris. Les Anglais, à
la même époque, préparaient en " gravey " des " conins " (c'est-à-dire des
lapins de garenne), des poulets, des huîtres, des anguilles, des pois
blancs. Mais au lieu de faire revenir ces aliments dans une graisse, comme
les Français, ils les faisaient blanchir en eau bouillante.
Le Mesnagier de Paris donne deux fois le mot " seymé " comme synonyme de "
gravé ". Dans le Viandier de la Bibliothèque nationale, Taillevent donne la
recette d'un " Civé de menus oiseaux ", reproduction littérale du " gravé de
menus oiseaux " du manuscrit de Sion ou du Viandier de la Bibliothèque
vaticane. Et de fait, il y avait peu de différences entre les gravés et les
cives médiévaux. Les uns et les autres avaient une sauce épaisse - brodium
gravaturn, selon le mot du Liber de Coquina.
La recette des Enseingnemenz, que nous avons retenue, se distingue de toutes
les autres sur plusieurs points. Les viandes sautées n'y sont pas jetées
dans un brouet à base de bouillon de viande, d'oignons frits et de pain
grillé mais humidifiées dans le pot avec un mélange de vin et d'eau, qui
après réduction donne une sauce courte. Telle est du moins l'interprétation
que nous en donnons.
D'autre part les oiseaux n'y sont pas " frits " dans du sain de lard
(extrait d'un lard gras coupé en lardons que l'on afait fondre dans une
poêle) mais mis à sec dans le pot avec des " charbonnées " de lard maigre
destinées à être servies et mangées avec eux. Ces " fines tranches de viande
de porc " grillées sur la braise, nous dit le médecin Jacques Despars,
étaient appréciées des clients des tavernes, dont elles aiguisaient la soif.

 

 

FETES GOURMANDES AU MOYEN-AGE Jean-Louis FLANDRIN & Carole LAMBERT


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