Publiée le 01 Août 2010

 

Cette spécialité bourguignonne aux saveurs exotiques, baptisée pavé de
santé, perpétue une très ancienne tradition.

Parfum de l'enfance, goût précieux du temps où on le trempait bien beurré
dans un bol de lait chaud. Considéré comme le plus fin de tous, le pain
d'épice traditionnel et authentique est encore fabriqué de nos jours à
Dijon. Pourtant, son histoire commence bien loin de la capitale
bourguignonne. Dès l'Antiquité, son ancêtre, un pain au miel, faisait déjà
les délices des Grecs et des Romains. Il ne sera parfumé aux épices - d'où
son nom - qu'au Xe siècle, en Chine. Transmis aux Arabes par les commerçants
chinois, il sera introduit en Europe par les croisés. Il faut cependant
attendre le XIVe siècle pour retrouver sa trace dans les chroniques
bourguignonnes. Ces écrits mentionnent une pâtisserie à base de farine de
blé et de miel, le boichet, dont les dames de l'époque sont très friandes.
Fabriqué à l'origine dans différentes villes de France, Dijon parviendra à
détrôner Reims au XIXe siècle pour devenir la capitale du pain d'épice. La
guerre 1914-18, durant laquelle l'industrie rémoise est anéantie, confirmera
définitivement la prédominance bourguignonne. A l'aube des années quarante,
grâce à ses quatorze fabriques, Dijon produit jusqu'à vingt-cinq tonnes de
pain d'épice par jour !

Aujourd'hui, à part quelques artisans pâtissiers locaux, seule la maison
Mulot et Petitjean, créée en 1796, demeure l'héritière de cette tradition.
Ici, contrairement aux autres fabricants européens qui n'hésitent pas à
employer de la farine de seigle, on respecte la recette du "vrai pain
d'épice de Dijon" à base de froment et de miel.

Albert Petitjean, son propriétaire, nous explique avec quels soins il
entoure la fabrication de cette friandise, surnommée pavé de santé tant sont
grandes ses vertus. "Tous les lundis, la farine de froment et le miel
(mille-fleurs ou de bruyère) sont pétris ensemble afin de former la pâte
mère. Après un repos de plusieurs jours au frais et au sec, elle est brassée
pour être assouplie. Cette opération s'appelle le braquage. C'est à ce
moment que l'on incorpore les jaunes d'oeufs qui achèveront de lui donner sa
belle teinte havane, et des substances levantes afin d'obtenir la légèreté
désirée. Puis vient le temps des épices. On ajoute les nombreux aromates :
anis, coriandre, girofle, cannelle, et des parfums d'orange, citron et
bergamote avec une minutie et un savoir-faire qui sont le secret du pain
d'épicier." La pâte ainsi obtenue est ensuite délicatement déposée dans des
moules avant d'être enfournée. Le temps de cuisson peut varier de quelques
minutes à trois heures selon le type de produits désiré. Toutes sortes de
gourmandises sont ainsi fabriquées : le bloc de pain d'épice nature (le
fameux pavé) ou des fantaisies, fourrées, glacées, aux fruits confits... Le
cédrat, l'angélique, les écorces d'orange et de citron ou les cerises lui
apportent une note fraîche et fruitée. De façon plus saisonnière, le pain
d'épice prend aussi la forme des traditionnels sujets de Noël à suspendre
aux branches du sapin ou de ceux de Pâques à cacher au fond des jardins.
Cette maison produit et commercialise annuellement cinq cents tonnes de pain
d'épice, sous cent cinquante formes.

Fière de sa moelleuse pâtisserie, Dijon la célèbre chaque année, durant une
semaine début décembre, à l'occasion de la Saint-Nicolas. La tradition veut
que dans chaque famille on distribue des figurines en pain d'épice aux
enfants. Dans les rues et sur les places, le "pavé de santé" est partout
proposé aux passants. Son goût et sa consistance peuvent surprendre les
amateurs qui n'en connaîtraient que les molles copies industrielles. Car le
vrai pain d'épice, s'il cache parfois sa nature en s'entourant de rubans de
couleurs, doit être solide et ferme. Plantez-y votre couteau. Si le pavé est
digne de ce nom, il doit se montrer résistant.

C'est cette densité qui exprime à merveille son caractère et rappelle
qu'avant d'être une gourmandise, la vocation première du pain d'épice était
simplement et noblement de nourrir.

Carnet gourmand

* Lequel choisir ?

Si le véritable pain d'épice de Dijon est encore fabriqué par quelques
artisans pâtissiers de la ville, la quasi totalité de la production est
vendue sous la marque Mulot et Petitjean. Mieux vaut se fier aux étiquettes
portant ce nom ou celui d'Auger, marque sous laquelle elle commercialise le
pain d'épice à l'orange. Attention aux contrefaçons, certains fabricants
n'hésitent pas à utiliser des essences artificielles à la place des
aromates, sans parler des colorants... Quelle que soit la provenance du pain
d'épice la vérification de sa composition est donc recommandée.

* Où le trouver ?

Ces deux marques sont commercialisées dans trois magasins répartis dans
Dijon ou chez des revendeurs dans toute la France: épiceries fines ou
pâtisseries. Suivant les régions, il est plus ou moins facile de le trouver,
mais que les amateurs se rassurent, il est possible de s'en procurer par
correspondance. Il vous en sera expédié sur commande à partir du catalogue
envoyé sur simple demande et dans lequel sont recensées 150 variétés de pain
d'épice. A titre indicatif, le prix du pavé nature oscille autour de 61 F le
kilo. Maison Mulot Petitjean,13 pl. Bossuet 21000 Dijon, tél. 03 80 30 07
10.

* Comment le déguster ?

Le pain d'épice se consomme à toute heure de la journée : au petit déjeuner,
au goûter ou en dessert. Il se déguste nature, avec beurre et confiture ou
trempé dans du lait, du chocolat, du thé ou du café.

* En cuisine

Il fait aujourd'hui un retour en force chez les chefs qui l'emploient pour
des plats aux saveurs sucrées-salées.

Emietté, il peut aussi servir comme condiment pour épaissir une sauce, un
ragoût, surtout s'il s'agit de recettes à la bière.

En toasts grillés et beurrés, il accompagne les terrines de toutes sortes,
le gibier ou bien encore les fromages du type roquefort.

Il signe une cuisine imaginative. "Je suis un inconditionnel de notre pain
d'épice, l'un des fleurons gastronomiques de Dijon avec le cassis et la
moutarde. Il est très présent sur ma carte où je le propose au dessert sous
forme de glace ou de crème brûlée. Je l'utilise également beaucoup en
accompagnement ou en sauce pour les plats de volailles, de gibiers, de
crustacés et pour toutes les viandes blanches en général. C'est un
Ingrédient assez fragile qu'il faut cuire à feu doux car il brûle très vite.
Il est aussi possible de s'en servir comme panure en le laissant sécher sur
un coin de fourneau avant de l'émietter." - Jean-Pierre Billoux,
propriétaire et chef du restaurant Pré aux Clercs, à Dijon.

* Savoir le conserver

Il peut se conserver presque un an si on prend soin de ne pas le ranger dans
des endroits trop secs ou trop humides. Il est préférable de le garder dans
le sac plastique d'origine, bien fermé, et de l'éloigner des sources de
chaleur ou de froid. Sensible aux variations du temps, il fonctionne tel un
baromètre: plus dur par temps sec, froid ou venteux, il redevient moelleux
dès que la pluie ou l'humidité reviennent.

brigitte63

 

 

Cuisine Actuelle N°71


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