Publiée le 18 Janvier 2000

 

Première opération (durée: de 12 h 30 à 4 h):
À< Nous supposons que le lièvre à la royale sera servi à sept heures du soir, au dîner.

« A 12 h 30.-Enduisez de bonne graisse d'oie le fond et les parois d'une daubière, puis, au
fond de cette daubière, étendez un lit de bardes de lard. Coupez l'avant-train du lièvre au
ras des épaules; vous supprimez ainsi le cou et la tête et il ne vous reste que le râble,
très allongé, et les pattes. Placez alors sur le dos. Recouvrez-le ensuite de nouvelles
bardes de lard.

« Voilà toutes vos bardes employées. Ajoutez alors la carotte en 4 morceaux, les 4 oignons
au girolle, les 20 gousses d'ail, les 40 gousses d'échalotes, le bouquet garni. Versez sur
le lièvre:

1° 1/4 de litre de bon vinaigre de vin rouge; 2° une bouteille et demie de bon vin de mâcon
(ou de médoc), ayant 2 ans de bouteille. Assaisonner de sel et poivre en quantité
suffisante.

« A 1 h.-La daubière étant ainsi garnie, recouvrez-la de son couvercle et mettez-la sur le
feu réglé de façon que le lièvre cuise pendant trois heures à feu doux, régulier et continu.
»

Deuxième opération (à faire pendant la première cuisson du lièvre):

« Hachez d'abord très menu et en prenant successivement chacun des 4 articles suivants, en
hachant chacun à part:

« 1° 125 g de lard; « 2° Le coeur, le foie et les poumons du lièvre; « 3° 10 gousses d'ail ;
« 4° 20 gousses d'échalotes.

« Le hachis de l'ail et celui de l'échalote doivent être si fins que chacun d'eux atteigne
d'aussi près que possible l'état moléculaire. C'est une des conditions premières de la
réussite de ce mets merveilleux, où les multiples et divers parfums et arômes doivent être
fondus en un tout si harmonieux qu'aucun ne prédomine et que rien ne puisse dénoncer leur
origine particulière et froisser ainsi quelques préjugés, d'ailleurs très regrettables.

« Le lard, les viscères du lièvre, I'ail et l'échalote ayant été ainsi hachés très menu et
séparément, réunissez le tout dans un hachis Général de façon à obtenir un mélange
absolument parfait.
réservez ce hachis
Troisième opération (de 4 h à 6 h45):

« A 4 h. -Retirez votre daubière.

« Enlevez délicatement le lièvre, déposez-le sur un plat. Là, débarrassez-le de tous les
débris des bardes, carotte, oignon, ail, échalote qui pourraient le souiller; remettez ces
débris dans la daubière.

« Coulis.-Prenez maintenant un grand plat creux et une passoire. Videz alors tout le contenu
de la daubière dans la passoire, que vous placez au-dessus du grand plat; avec un petit
pilon de bois, pilez tout ce qui a été versé dans la passoire de façon à entraîner tout le
suc, lequel vous constitue un coulis dans le grand plat.

« Mélange du coulis et du hachis.

. Voici le moment d'employer le hachis qui a fait l'objet de la deuxième opération. Mêlez ce
hachis au coulis. Faites chauffer 1/2 bouteille de vin de la même origine que celui dans
lequel a déjà cuit le lièvre. Versez ce vin chaud dans le mélange de coulis et hachis, et
délayez bien le tout.

« A 4 h 30.-Remettez dans la daubière:
« 1° Le mélange ainsi délayé du coulis et du hachis;

« 2° Le lièvre avec tous les os des cuisses ou autres qui auraient pu se détacher pendant
l'opération. Replacez la daubière sur le fourneau avec feu doux et continu, pour une seconde
cuisson de une heure et demie à feu très doux.

« A 6 h.-Etant donné que l'excès de graisse provenant de l'abondance nécessaire du lard va
empêcher de juger l'état d'avancement de votre sauce, procédez à présent à un premier
dégraissage. Votre ouvre ne sera, en effet, achevée que lorsque la sauce sera suffisamment
lice pour offrir une consistance approchant de celle d'une purée de pommes de terre; pas
tout à fait, cependant, attendu que, si on la voulait trop consistante, on finirait par
tellement la réduire qu'il n'en resterait plus suffisamment pour humecter la chair
naturellement très sèche du Iièvre.
« Votre lièvre dégraissé pourra donc continuer à cuire ainsi, toujours à feu très doux,
jusqu'au moment où vous lui ajouterez le sang que vous avez réservé avec le plus grand soin,
comme il a été dit plus haut. »

Quatrième opération (un quart d'heure avant de servir):

<< A 6 h 45.-La liaison de la sauce étant en bonne voie, une

quatrième et dernière opération la mettra définitivement et très rapidement au point.

« Addition du sang du lièvre.-En ajoutant maintenant le sang, non seulement vous activez la
cuisson de la sauce, mais encore vous lui donnez une belle coloration brune, d'autant plus
appétissante qu'elle sera plus foncée. Cette addition du sang ne doit pas se faire plus d'un
quart d'heure avant de servir; en outre, elle doit être précédée d'un second dégraissage.

« Donc, dégraissez d'abord convenablement puis, sans perdre une minute, occupez-vous du sang du lièvre.

« Fouettez, avec une fourchette, le sang, de manière que, si quelques parties sont caillées,
vous les rendiez à nouveau tout à fait liquides;

« Versez le sang sur la sauce, en ayant soin d'imprimer à la daubière, de bas en haut et de
droite à gauche, un mouvement de va-et-vient qui le fera pénétrer uniformément dans tous les
coins et recoins du récipient.

« Goûtez alors, ajoutez sel et poivre, s'il y a lieu. Peu après (un quart d'heure au
maximum), préparez-vous à servir.

« Dispositions pour servir:

« A 7 h. sortez de la daubière votre lièvre, dont la forme se trouve forcément plus ou moins
atténuée.

« Dans tous les cas, placez au milieu du plat de service tout ce qui est encore à l'état de
chair-les os, complètement dénudés, désormais inutiles, étant rejetés-et, autour de cette
chair de lièvre en compote, mettez pour toute garniture l'admirable sauce si attentivement
confectionnée.

« Je n'ai pas besoin de dire que, pour servir ce lièvre, l'emploi du couteau serait un
sacrilège et que seule la cuillère y suffit complètement. »

JP Mutin

 

 

La cuisine des terroirs


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