Publiée le 01 Août 2010

 

le serveur-cuisinier-patron nous interroge :
« Les steacks, je vous les fait comment ? A point ou saignant ? »
« Vous n'auriez pas autre chose ? m'enquérais-je. Même avec un supplément. »
« Ben non. J'ai des magrets de canard, mais j'ai plus de sauce au poivre
vert pour vous les servir. »
« Encore heureux, mais on va bien trouver autre chose dans votre cuisine
pour les préparer. »
J'étais non seulement debout, mais j'entrais déjà dans la cuisine, alors que
notre bonhomme interloqué était encore devant notre table avec ses
assiettes.

La noisette de beurre frissonnait dans la poêle, accompagnée d'une larme d'
huile.
« Ils sont où ces magrets ? »
D'un coup de couteau adroit je dessinais des croisillons dans la peau grasse
des magrets, et je les jetais dans la poêle où ils se mirent à chanter.
Quelques grains de sel, une pincée de poivre, une petite poignée de thym
lancée du geste auguste du semeur, et je couvrais.
Puis je partis à la découverte des ingrédients divers contenus dans les
placards. Enfin je mis la main sur un pot de confiture qui paraissait être
de la confiture de figues.
« Ah ben non, pas la confiture de maman ! C'est pour mon petit déjeuner ! »
« Justement ! Elle doit être excellente ! »

J'enlevais prestement les magrets, que je réservais au chaud dans le four
tiède ; je dégraissais la poêle et y déposais un bon morceau de beurre pour
déglacer. Puis y mettais vivement trois grosses cuillères de confiture de
figues. En laissant sur feu modéré, je touillais tranquillement pour faire
une sauce onctueuse. Avec une giclée de crème fraîche liquide pour le
moelleux.
Lorsque la sauce fut à point, j'embarquais ma poêle et mon plat de magrets
en direction de la salle de restaurant.
Le silence se fit ; du genre interloqué, curieusement dubitatif. Le
cuisinier était derrière moi, à la fois gêné et interrogatif. On sentait qu'
il aurait bien aimé quand même goûter à cette préparation qui sortait de son
antre.
Je fis le service à ma dulcinée, et je m'assis, tranquille comme Baptiste.
Nous dégustâmes une petite merveille. Les magrets étaient cuits à peine,
juste ce qu'il faut ; rosés au cour et grillés sur le pourtour. Ils avaient
un goût fortement marqué, et délicatement souligné par la douceur des figues
sucrées.

Heureusement qu'il y a encore des petits bistros où l'on mange bien à la
campagne.

Je crois bien avoir aperçu le cuisinier tremper le doigt dans la poêle en la
remportant en cuisine. Mais je n'en suis pas certain. Et finalement ? S'il
mettait un jour ce plat sur sa carte, cela ferait d'autres heureux.

 

 

Jean Tamayo


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