Publiée le 01 Août 2010

 

Le pain d'épices, l'une des "trois glorieuses" gourmandises de Dijon, est vieux comme le monde : c'est le pain de céréales amélioré avec des ingrédients sucrés et salés. Tel que nous le mangeons, il semble être né en Chine, véhiculé par les hordes de Gengis Khan, puis les Arabes et arrivé en Europe dans les bagages des Croisés.
C'est par l'intermédiaire de la Flandre (où l'on mange toujours la "couque", cousine germaine) et des ducs de Bourgogne qu'on le découvrit en France : Reims et la Champagne s'en firent une spécialité, à base de seigle. On mangeait aussi en Bourgogne des "pains de gaulderye " à la farine de millet, mais c'était le "boichet" à la farine de froment que Marguerite de Flandre, l'épouse de Philippe le Hardi, préférait. Ce boichet est l'ancêtre du pain d'épices actuel, fabriqué et vendu à Dijon depuis qu'au début dit XVIIIe siècle, Bonaventure Pellerin, cabaretier, commença à concurrencer sauvagement les pâtissiers en vendant son biscuit au miel dans la rue. Ce fut d'ailleurs toujours une friandise populaire (en fait tout le monde l'appréciait, les rois comme leurs peuples) et une friandise de foire : la renommée du pain d'épices de Reims date sans doute des anciennes foires de Champagne. C'était la friandise reine de la Foire du Trône, dite la "foire au pain d'épices " et c'était à la fameuse foire de la Saint-Ladre, à Autun que l'on vendait le plus de gâteaux de pain d'épices.

La guerre de 14-18, en ruinant l'industrie rémoise, acheva d'asseoir la suprématie de Dijon. Aujourd'hui, il a définitivement lié son destin à la capitale bourguignonne. Toutefois, une seule fabrique continue actuellement à confectionner le "vrai pain d'épices "de Dijon.

L'essentiel du pain d'épices, qu'il soit sous forme de "pavé", de rectangle à trancher, ou de personnages, est dans le miel (que des fabrications industrielles ont tendance à supprimer...) ; et ce miel doit être un peu fort à base de bruyère et de millefleurs. C'est l'avantage du miel du Morvan, moins raffiné mais qu'on croirait fait pour le pain d'épices. Le miel du Gâtinais (en principe (de sainfoin exclusivement) se récolte, lui, dans l'Yonne, aux marges de l'Île-de-France et fournissait largement Paris au XIXe siècle. Aujourd'hui, le miel du pain d'épices provient des abeilles autochtones , mais aussi de Bretagne, des Landes et d'Espagne. Quant aux épices, elles ne sont plus salées comme au XVIIe siècle qui appréciait le poivre et le gingembre dans les gâteaux, mais douces et parfumées aux fruits. De même que les Chinois qui le dégustaient au solstice d'hiver, c'est plutôt un gâteau d'hiver et particulièrement de Noël. Il faisait en effet partie des friandises grignotées pendant la veillée et au retour de la messe de minuit, au cours de ce réveillon qui ressemblait plutôt aux " rossignons" (ou "reseingnées") des veillées d'hiver. Ce petit repas (qui veut dire manger un morceau avant d'aller au lit) se composait alors de fromage fort, lard froid, pain d'épices, noix, miel, café, eau-de-vie.

Le pain d'épices est resté une tradition de fin d'année : quel petit Bourguignon, au moins.jadis, n'a pas reçu de pain d'épices le soir de Noël, ou dans le bas de Saint-Nicolas le 6 décembre, sous toutes sortes de formes, comme en témoignent encore les innombrables moules d'antan et les poissons et sabots en pain d'épices des vitrines de fête ? Car le pain d'épices, gâteau populaire, est aussi un gâteau d'enfant : en Bourgogne, on le mange en tartines beurrées au petit-déjeuner et on l'emporte à l'école pour le "dix-heures" et le goûter. A la messe des Rameaux, les morceaux de pain d'épices remplaçaient jadis le buis dans la main des enfants. Il a toujours fait partie de l'imaginaire enfantin, de ses comptines et de ses légendes (qu'on se souvienne de "Dame Tartine" ou d'"Hansel et Gretel"). Même les gâteaux faits de pain d'épices ont des parfums d'enfance : tels les gimblettes aux amandes, ces sortes de croquets qui faisaient fureur à la foire de la Saint-Ladre, les glacés minces qui concurrençaient les croquets de Reims non glacés, les nonnettes (mangées par les élèves de "Bécassine"), elles aussi d'abord rémoises, fourrées de toutes les manières.

Depuis quelques années, Dijon fête le pain d'épices au moment de la Saint-Nicolas, d'une manière à la fois très populaire et enfantine.

...Le pain d'épices peut se prêter à de multiples préparations sucrées, comme le pavé glacé qui fait intervenir deux autres produits typiquement bourguignons : le cassis et le marc de Bourgogne. La bouteille de marc, on le remarquera, n'est jamais loin de la main de la cuisinière qui l'utilise pour ses marinades, pour flamber ou pour rehausser le goût d'une sauce. Moins dégusté aujourd'hui, c'était presque quotidiennement qu'on buvait jadis "le petit verre" de marc ou d'eau-de-vie de fruit.

brigitte63

 

 

Amicie d'Arces - Cuisine de Bourgogne de A à Z - Editions Bonneton - 1996


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