Publiée le 15 Janvier 2000

 

Si vous avez tué le cerf faites-en rassir la viande au moins deux jours. La
plonger dans une quantité suffisante d'eau bouillante pour la couvrir, et
l'y laisser " parbouillir " quelques minutes pour qu'elle s'affermisse et
soit plus commode à larder. Découper votre lard blanc en minces lanières
entrant dans votre lardoir. En larder votre viande - c'est-à-dire qu'à
l'aide de votre lardoir vous les y enfoncez tout du long - pour en corriger
la sécheresse.

La faire cuire environ deux heures et demie dans le bouillon frémissant
constitué de moitié eau, moitié vin, sel et macis pulvérisé. Servir avec
sauce cameline en saucière, et fromentée dans un autre plat.

3 kg de longe de cerf, 100 g de lard à larder (blanc et non salé), autant de
vin (blanc ou rosé) que d'eau, 5 g de macis par litre de bouillon, 10 g de
sel par litre de bouillon

COMMENTAIRE
Le Mesnagier de Paris explique qu'il faut parbouillir et larder le cerf
parce que " la char en est plus dure que de bichot ne de chevrel ". Ce
gibier princier était-il donc digne des becs aristocratiques ? Au XVI°
siècle, Charles Estienne écrivait dans son Agriculture et Maison rustique
que les grands seigneurs le chassent " plustost pour un exercice de corps &
recreation d'esprit [ ... ] car la chair de cerf n'est pas beaucoup
plaisante ", étant " fort dure, de mauvais suc, melancholique, difficile à
cuire dans l'estomac, & facile à exciter plusieurs grandes maladies ". Il
concluait que " qui sera soigneux de sa santé ne doit toucher à telle chair
si elle n'est de quelque tendre faon & jeune bichot, que l'on fait servir le
plus souvent és tables des Princes & grands Seigneurs ". Au XIII° siècle,
Aldebrandin de Sienne interdisait la chair de cerf adulte et ne tolérait que
celle de jeune cerf, de préférence castré, qui donc ne se chassait pas.
Au cerf les médecins préféraient le chevreuil, le daim, le sanglier, et si
dans les banquets aristocratiques des XIV° et XV° siècles on servait presque
toujours de la venaison, rien ne prouve que, sous ce nom, il se soit agi de
cerf plutôt que de ces bêtes au statut diététique et gastronomique
supérieur. Cependant, sur 57 plats de venaison trouvés dans notre
échantillon de manuscrits culinaires, 5 sont de cerf, 4 de sanglier, 3 de
bouf, 3 d'ours, 4 de dauphin, 3 de chevreuil, et 36 ne sont pas identifiés.
Par ailleurs on trouve, avec ou sans mention du mot "venaison ", 13 recettes
de chevreuil, 21 de cerf, 41 de sanglier, mais aucune de faon, ni de biche,
ni de daim.
Pierre de Crescens conseillait d'élever dans des enclos appelés " garennes
"des lièvres, des chevreuils, des cerfs, des sangliers et des lapins. Car
d'une part ils s'y multipliaient davantage, d'autre part la chair en était
meilleure, surtout lorsque l'on châtrait les jeunes cerfs. Témoigne-t-il
d'une pratique seulement italienne ? Et Aldebrandin de Sienne ?
Le mot venaison - qui vient du latin venatio, gibier - s'appliquait à toutes
sortes de gibier à poil, y compris les lièvres, et par extension à la chair
de ces gibiers. Le mot signifiait encore " la haute graisse d'un cerf, d'un
sanglier & autres bêtes ". On disait par exemple qu' " entre les bêtes
sauvages il y a certain temps qu'elles sont meilleures, à savoir quand
elles sont en venaison, c'est à dire lorsqu'elles sont grasses ".
En 1607 Le Thresor de santé précisait (p. 176) que " Le Cerf est bon depuis
May jusques en Septembre. Sa plus grande venaison est en juin, & Juillet
jusqu'en Aoust. "

 

 

FETES GOURMANDES AU MOYEN-AGE Jean-Louis FLANDRIN & Carole LAMBERT


Aucun commentaire sur Venaison de cerf fraãŽche

 

Ajouter un commentaire Ajoutez un commentaire